Sous les palmiers la dictature (2)

Vous avez aimé Bizerte, Carthage, Hammamet ou Djerba ? Vous rêvez de voir le soleil se coucher sur Tozeur ou se lever sur les ruines du fort de Tataouine ? Alors, si vous êtes démocrate et si vous êtes attachés aux libertés individuelles et collectives, vous préfèrerez, à l’avenir, une autre destination. Laissez les palmeraies, le sable ou le sel des déserts au soleil et au vent et accessoirement à Ben Ali. Oubliez ce pays et n’y revenez que lorsque les prisons s’ouvriront. Oubliez ce pays et dites au Monde l’horreur de sa dictature.
Etouffé d’avocat façon Ben Ali
Radhia Nasraoui, [1] quarante-huit ans, célèbre pour sa défense des prisonniers d’opinion en Tunisie et sa lutte en faveur des libertés, a commencé, mardi 9 juillet, sa troisième semaine de grève de la faim pour protester contre l’atteinte au droit de visite, en sa qualité d’avocate, à son mari Hamma Hammami [2]et exiger sa libération immédiate et sans condition nous apprend l’Humanité. Au seizième jour son état de santé inspire les plus vives inquiétudes et se détériore de jour en jour : elle a perdu plus d’une dizaine de kilos, ce à quoi s’ajoute la chaleur torride sévissant en Tunisie - près de 35 degrés. « Ben Ali veut me voir mourir car cela arrangerait beaucoup de choses » affirmait-elle dans une interview téléphonique rapidement coupée par les autorités tunisiennes.
Etouffé d’Internet façon Ben Ali
L’internaute Zouhair Yahiaoui, qui animait un journal en ligne (Tunezine), vient d’être condamné à deux ans de prison. Plus connu sous le pseudo d’Ettounsi, le webmaster a été kidnappé le 4 juin 2002 à 19 h 00 par les forces de police tunisiennes. De quoi accuse t’on Ettounsi ? Le chef d’inculpation est l’article 306 bis alinéa 2 du code pénal qui dit : " est puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 200 à 2000 DT toute personne qui aura communiqué ou divulgué une information qu’elle savait être fausse dans le but de faire croire à un attentat contre les personnes ou contre les biens qui serait punissable de peines criminelles " nous apprend le communiqué N° 3 du Comité pour la Libération d’Ettounsi. Rien que ça !
Et pourtant, à l’occasion de l’adoption d’une nouvelle Constitution en mai dernier, au contenu lui même éminemment discutable, le président Ben Ali s’était engagé à respecter les droits de l’homme et la liberté d’expression. La sagesse populaire affirmant que les promesses n’engagent que ceux qui y croient n’est toujours pas démentie à Tataouine comme ailleurs.
Les échanges Nord-Sud ne sont plus ce qu’ils étaient !
Ben Ali que certains comparent à Chirac et vice versa s’est taillé une solide réputation dans l’art du plébiscite électoral. A chacun sa méthode. Pendant que notre corrézien affolait le peuple avec une montée toute artificielle et programmée de l’extrême droite, l’émule de Tunis se concoctait une constitution sur mesure pour régner à vie de Bizerte à Ksar Ghilane et de Nefta à Monastir. Des deux côtés de la Méditerranée le plébiscite a réussi donnant un réel avantage, côté sud, à l’amateur de colorations capillaires. Le français manipulant la presse et l’opinion publique le tunisien les muselant, on ne peut que rester admiratif devant tant de complémentarité.
Le light et le hard, tout aussi supplémentaires dans l’art d’utiliser les populations au mieux de leur compétences : l’un accueillant les touristes en mal de bronzage et de dunes sous le soleil couchant et l’autre ne rechignant pas à favoriser, en son temps, la venue d’une main d’œuvre corvéable et bon marché. On a toujours besoin d’un épicier tunisien au bas de chez soi.
De Gabès à la Corrèze
Pendant ce temps, les opposant à la dictature de Ben Ali et de ses sbires croupissent en prison pour délit d’opinion, délit de contestation, délit d’empêcher de tourner en rond, délit d’Internet, délit de ne pas penser comme Ben Ali, délit de ne pas parler comme Ben Ali, délit de … A chacun de compléter cette liste qui peut s’allonger sans fin tant les atteintes aux droits fondamentaux de l’Homme sont fréquentes et répétées sous les palmiers et les olivier tunisiens.
Il existe un moyen de combattre cette dictature tunisienne et de la forcer à revenir à de meilleurs sentiments : le boycott. L’économie de ce pays repose en partie sur le tourisme : boycottons cette destination et encourageons les autres à le faire. Ce sera notre manière à nous, français d’exiger la libération de Hamma Hammami, de Zouhair Yahiaoui et de tous les inconnus anonymes arrêtés et torturés par l’Etat tunisien.
[1] A écouter, sur Radio-Canada.ca Frédéric Nicoloff s’entretient avec l’avocate Radia Nasraoui, en grève de la faim pour réclamer la libération de son mari,l’opposant Hamma Hammami.
[2] C’est le 26 juin, journée mondiale contre la torture, que Radhia Nasraoui a commencé son action pour obtenir la libération " immédiate et sans conditions" de son époux, Hamma Hammami, 50 ans. Après être sorti de la clandestinité où il vivait depuis quatre ans, celui-ci a été condamné, en mars, en même temps que trois de ses camarades, à trois ans de prison ferme pour appartenance à une association non reconnue (le Parti communiste des ouvriers de Tunisie, PCOT.)
Dessin : Agitkom
Lire aussi l’article sur "Le Monde"
L’excellent site "Maghreb des droits de l’homme"
Signer la pétition pour l’amnistie générale en Tunisie