ECHEC ET MATHS
Un drame, un de plus et près d’une trentaine d’Isréliens tués dans un attentat-suicide. Emotion forte et légitime. Une voix fait des raccourcis et considère que proportionnellement cet attentat -par le nombre de ses victimes- est la copie conforme de celui qui a frappé le world trade center. Les mathématiques sont comme les pétards : il faut les manipuler avec la plus extrême prudence, on risque sinon de les voir exploser en pleine gueule.
“ Nous ne sommes pas nés pour gouverner le peuple palestinien, pour occuper leur terre, c’est contre tout ce que nous défendons. La paix n’est possible qu’avec un accord, pas sur la force ” , déclarait Shimon Peres début novembre.
Quelques semaines plus tard, il justifiait l’assassinat de Mahmoud Abou Hannoud, du Hamas parce que cela correspondait à un acte de légitime défense (lire "j’irai cracher sur ta tombe" dans la même rubrique).
Début décembre, le ministre des affaires étrangères israélien radicalisait encore davantage son discours. Entretemps, il y eut l’attentat du kamikaze palestinien qui coûta la vie à une trentaine d’Israéliens. Il s’ensuivit de par le monde un vaste débat. Les Etats-Unis firent les gros yeux à Israël après l’attentat du 11 septembre : Bush, forcé de ménager le peuple arabe par crainte d’une prolifération des attentats terroristes, gronda donc Israël et appela même de ses voeux à la création “ d’un état de Palestine ”. Profitant de cette tragédie et de l’émotion générale qu’elle suscita dans le monde entier, l’armée israélienne procéda à quelques raids meurtriers en Palestine. Les jours ont passé, l’Alliance du Nord a chassé les talibans (ce fut donc une guerre propre puisque les troupes occidentales n’ont à aucun moment affronté directement les fanatiques afghans, préférant envoyer au feu les combattants de l’Alliance). La psychose terroriste est retombée et l’histoire du “ bien contre le mal ” insidieusement réoccupe les consciences comme si cela correspondait à un ordre naturel des choses.
Après l’attentat suicide en Israël, un haut responsable de l’Etat hébreu s’est fendu d’un parallèle : cet attentat est, selon lui, proportionnellement aussi dévastateur que celui dont ont fait l’objet les deux tours du world trade center. Alors puisqu’on en est aux prospectives mathématiques, quel est donc le rapport proportionnel entre l’attentat du 11 septembre et ses
5 000 victimes supposées d’une part et les 1 000 Palestiniens (parmi lesquels une majorité d’enfants), d’autre part assassinés depuis le début de l’Intifada ? Doit-on pousser les comparaisons conjoncturelles et ramener de l’enfer le souvenir de Sabra et Chatila ?
L’horreur n’a pas de frontière. Faut-il pour autant oublier qu’il existe là bas en Palestine un peuple agressé et un autre agresseur, que l’un dispose de matériel militaire ultra-sophistiqué (qui équipe l’armée d’Israël ?), l’autre de cailloux dont certains des membres, littéralement possédés par un sentiment d’humiliation insupportable, sacrifient leurs vies, comme on appelle au secours ? Qui a renié les accords d’Oslo, de camp David ? Quel peuple impose un blocus économique qui dégrade et affame l’autre peuple ?
Si la paix se fait à deux, il suffit parfois d’être un pour faire la guerre.
Djam